Complexe archéologique de Roluos : une belle randonnée parmi les premiers temples de l'empire d’Angkor
La visite des principaux temples de l’ancienne capitale d’Angkor (Hariharalaya) permet de découvrir des habitations et la vie autour de ces sanctuaires pré-angkoriens. Une réminiscence de celle qui s’est développée sous le règne des rois-bâtisseurs khmers conjointement à la construction de ces demeures pour les dieux.
Situé en face d’une charmante école primaire, le temple de Lolei constitue le parfait point de départ pour découvrir Hariharalaya (aujourd’hui Roluos), la première capitale de l’Empire khmer, où se trouve le complexe archéologique de Roluos*.
Formé de quatre temples principaux (Lolei, Preah Kô, Bakong et Prei Monti), cet ensemble bâti à la fin du IXe siècle n’est qu’à 15 km de Siem Reap, soit une demi-heure de tuk-tuk pour se faire déposer devant Lolei. On découvre ces temples désertés par les touristes par des chemins qui traversent plusieurs hameaux aux belles habitations sur pilotis bordées de jardins et de prés.
Le temple de Lolei
Édifié en 893 par le roi Yasovarman Ier, qui régna sur l’Empire khmer de 889 à 910, ce temple pré-angkorien dédié à Shiva est le dernier construit sur le site de Roluos avant que le souverain ne déplace sa capitale à Angkor Thom. Prototype des temples-îles, il était à l’origine bâti sur l’îlot d’un ancien baray (lac artificiel) aujourd’hui entièrement desséché. Trouvée à Lolei, une sculpture de Rajendradevi, la grand-mère maternelle du roi Yasovarman Ier est exposée au musée national du Cambodge, à Phnom Penh. Le sculpteur lui a donné les traits de la déesse Gauri (« La Dorée »), alias Parvati, la femme de Shiva.
Placées sous la protection de sculptures de lion, ses quatre tours-sanctuaires (prasats), en partie conservées et décorées de bas-reliefs de devatas (gardiennes hindoues et femmes sacrées) et de gardiens, reposent sur une plate-forme rectangulaire. Construits en hommage aux parents et grands-parents du souverain, ces prasats en briques de latérite rose jouxtent une pagode récente (Wat Lolei) aux autels et aux cadres de fenêtres dorés, où vivent des moines bouddhistes. Une ambiance sereine se dégage de ce lieu imprégné de syncrétisme qui s’inscrit dans l’architecture même : le faîte de la pagode semblant coiffer les tours de l’ancien sanctuaire hindouiste, comme si la dévotion d’aujourd’hui veillait sur celle d’hier.
Les habitations qui entourent Lolei sont une réminiscence de la vie qui s’est développée autour des temples pendant le règne des rois-bâtisseurs khmers (802 à 1431). De petits ensembles de maisons sur pilotis, où les familles s’affairent à leurs tâches quotidiennes, jalonnent le chemin en terre rouge bien tracé qui rejoint les temples de Preah Kô et de Bakong tout proches**, bâtis par le fondateur de l’empire khmer, Jayavarman II, le père de Yasovarman Ier.
Preah Kô, « le taureau sacré »
Entièrement consacré à Shiva et consacré en 880, Preah Kô est le plus ancien des temples construits à Angkor. Ses six tours-sanctuaires en briques roses ornées de sculptures de devatas et de gardiens sont disposées sur une plate-forme de grès rectangulaire à laquelle on accède par un escalier.
Fidèles à leur mission, six lions en pierre entièrement conservés veillent sur son sanctuaire principal doté de six terrasses comme si le temps n’avait pas de prise sur eux. À leur pied, trois sculptures de Nandin, le taureau blanc qui sert de véhicule à Shiva, admirent imperturbablement ce temple dédié à leur cavalier divin.
Originaire du Preah Kô, une splendide sculpture de Lakshmi (« beauté, splendeur, prospérité, fortune »), déesse de la bonne fortune, de la prospérité, de la richesse et de l’abondance, est exposée au musée national du Cambodge, à Phnom Penh.
Bakong, le prototype des temples-montagnes
Posé sur l’eau, ce précurseur des temples-montagnes en grès vous fait lever la tête au ciel à votre arrivée dans ce lieu paisible bercé par le chant des cigales. Protégé par trois murs d’enceinte avec des ouvertures en forme de gopura et entouré de douves qui symbolisent l’océan encerclant le mont Meru, ce temple d’État construit un an après le Preah Kô est consacré à Shiva.
Bien gardée par des sculptures de lions et d’éléphants, sa pyramide centrale étagée sur cinq niveaux est pourvue d’un escalier sur chacun des quatre côtés qui mène aux différentes terrasses. Plusieurs sculptures trouvées au Bakong, dont un Vishnou à quatre bras et un sans mains, sont exposées au musée national du Cambodge, à Phnom Penh.
Tout en haut de la pyramide où se trouve un autel garni d’offrandes, on peut admirer l’enfilade de lions qui surveillent l’une des entrées du temple, une récente pagode bouddhiste qui le jouxte et les huit prasats qui l’entourent.
On quitte avec regret le Bakong aux proportions parfaites malgré sa taille, la plus impressionnante du site archéologique de Roluos. Procurant un peu de fraîcheur, la tranquillité de l’eau et des arbres qui le bordent forment avec son mur d’enceinte un ensemble minéral, végétal et aquatique d’une majestueuse harmonie.
Prei Monti, le temple perdu
Notre prochaine mission : rejoindre le Prei Monti, qui n’est qu’à 1,9 km au sud** par un chemin de campagne. Malgré les indications précises des GPS***, le Prei Monti, adepte du camouflage, ne se laisse pas découvrir facilement : dissimulées par la forêt qui a repris ses droits, ses trois tours en brique très endommagées se confondent avec la végétation.
Devant le peu de traces visibles de ce temple comme englouti par la jungle, il est difficile de concevoir qu’il ait pu servir de palais royal du temps de Hariharalaya. Ce que prouvent pourtant plusieurs campagnes de fouilles qui ont « confirmé qu’un palais a été construit à Prei Monti, grâce notamment à la nature des vestiges architecturaux et aux artefacts luxueux découverts [entre autres des céramiques de la dynastie chinoise des Tang] »****.
« Cette concentration de structures en bois non religieuses [la pierre était réservée aux temples] et de [ces] artefacts venus de l’étranger suggère que [c]e site correspond bien au palais royal de Hariharalaya au IXe siècle », concluent les archéologues, auteurs de cet article.
Le chemin du retour vers Bakong et Preah Kô, où il est facile de trouver un tuk-tuk pour Siem Reap, s’avère plus simple, avec le sentiment de la mission accomplie : la découverte d’un temple par soi-même, bien aidé tout de même par le GPS ! Un outil que ne possédaient pas les bâtisseurs khmers, ce qui ne les a pas empêchés de tracer au cordeau** l’alignement de leurs édifices.
* Accessible avec le Temple Pass.
** Lolei est parfaitement aligné sur un axe nord-sud avec le Bakong : cet axe est exactement parallèle à un autre, celui qui relie du nord au sud le Preah Kô au Prei Monti, selon Pour la Science (cf. « Angkor, genèse d’une mégalopole », n° 435, janvier 2014).
*** Dont Maps.me, cartes GPS hors ligne, qui n’utilise pas la data.
**** « Angkor, genèse d’une mégalopole », Pour la Science n° 435, janvier 2014.
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