Randonner au cœur d’Angkor Thom,
de Ta Prohm au Bayon en passant par les portes des temples qui sourient
Entre les temples de Ta Prohm et du Bayon dédiés au bouddhisme mahayana, cette randonnée facile au sein de la cité royale (Angkor Thom) de Jayavarman VII permet de découvrir de magnifiques gopuras (portes) et trois sanctuaires hindous : Ta Keo, Thommanon et le Chau Say Tevoda, une préfiguration à échelle réduite d’Angkor Vat.
Ta Prohm, le temple racine
Fondé à la fin du XIIe siècle par Jayavarman VII, qui introduit le bouddhisme mahayana dans l’empire khmer*, ce monastère et université bouddhiques abritait plus de 12 500 personnes, dont 18 grands prêtres et 615 danseurs. Dans les villages environnants vivaient 80 000 habitants qui veillaient à son bon fonctionnement.
Pour vraiment apprécier ce temple qui s’étend sur 60 hectares, il faut sortir des chemins angelinajoliés et ne pas trop s’attarder sur le spot** où les touristes se massent pour un selfie. Même hors période d’influence***, ils déclencheront sûrement le « moment Martin Parr » de votre séjour à Angkor, avec une mise sur pause du temps provoquée, lundi 13 mars 2023 vers 10 heures, par ce groupe qui suit le drapeau CCCP de son guide : Back to USSR !
Pour découvrir Ta Prohm par vous-même et se retrouver seul face à de magnifiques statues, il suffit de se perdre dans son dédale de couloirs étroits, obstrués à certains moments par des piles de blocs de pierre que l’on doit enjamber. À la sortie de ce labyrinthe de merveilles, le hasard ou la providence vous guidera vers l’une de ses nombreuses cours intérieures ‒ sans touristes ‒, dont les murs semblent phagocytés par les racines d’un banian, comme capturés par le filet du rétiaire. Elles forment des sculptures à part entière, entrant dans un étrange dialogue avec les bas-reliefs de devatas qui ornent les parois.
À différents endroits, elles sont tellement imbriquées dans les fondations qu’il est difficile de distinguer le végétal du minéral, d’autant que, comme par mimétisme, certains soubassements se végétalisent. Ces banians géants aux racines tentaculaires continuent de grignoter Ta Prohm mais sont entretenus et arrosés par les gardiens qui en prennent soin malgré les dégâts occasionnés. Ils font maintenant partie du décor et il faut pour le coup s’en féliciter.
À d’autres endroits, des arbres-sanctuaires s’élancent vers le ciel et se détachent du temple comme pour en prolonger le faîte.
En route vers Ta Keo
Entouré de cinq murs d’enceinte plus ou moins envahis par la végétation, à l’instar de ces lianes qui semblent tomber du ciel, Ta Prohm dispose de magnifiques gopuras. Sur le chemin**** longeant son enceinte extérieure et des rizières asséchées en cette saison, on découvre celui de la porte nord (North Gate) orné de quatre visages, « the quietest gate », selon le gardien solitaire qui veille sur cette porte désertée par les touristes.
Temple-montagne inachevé, Ta Keo possède cinq tours-sanctuaires (prasats) élevées sur une plate-forme à cinq niveaux. Son prasat principal se gravit par un escalier escarpé à hautes marches. Tout en haut, trois statues en habit de cérémonie vous accueillent, comme si elles vous attendaient depuis toujours.
Atteindre le temple Bayon par la porte de la mort
Sur le chemin qui mène au Bayon, deux temples jumeaux, dédiés à Shiva et Vishnou, se font face : le Thommanon et le Chau Say Tevoda, une préfiguration à échelle réduite d’Angkor Vat.
Avant de rejoindre le Bayon, qui trône au centre d’Angkor Thom, vous traverserez la très belle porte de la mort (Khmoch Gate ou Gate of the Dead) représentant Indra chevauchant son véhicule, Airavata, le roi des éléphants. Comme posés sur ses trompes qui plongent dans le sol, deux serviteurs assistent Indra.
Sur la face sud de la tour centrale, Lokeshvara, le bodhisattva de la compassion, paraît serein, affichant un visage réjoui.
Bayon, le temple de la compassion où même les murs vous sourient
Connu pour ses 200 visages rieurs, ce temple-montagne, situé au cœur de la cité royale Angkor Thom, mériterait plusieurs visites, notamment pour ses bas-reliefs répartis sur deux galeries.
Celle extérieure (au niveau du sol) figure, entre autres, des scènes de batailles, dont celle du lac Tonlé Sap de 1178, avec des crocodiles croquant les marins malchanceux. Elles opposaient les Khmers et les Chams, qui pratiquaient alors la même religion ‒ sur d’autres bas-reliefs, ils prient ensemble Vishnou et se rassemblent pour son mariage. À l’issue de ces affrontements, le futur roi Jayavarman VII rétablit l’empire khmer** menacé par l’invasion chame de 1177, qui ravagea Angkor. Les Chams, eux, se convertirent à l’islam.
S’étendant sur 22 500 m², le Bayon constitue un véritable labyrinthe de tours, de passages et de galeries, où de jeunes macaques qui l’ont choisi comme refuge semblent y avoir trouvé le repos ‒ selon le Phnom Post [en anglais], ils ne sont pas tous bienveillants à l’âge adulte !
Dans cette monumentale pyramide de trois niveaux, plusieurs statues en habits de cérémonie arrêtent votre regard. Ces lieux de recueillement rappellent la ferveur qui devait régner à l’époque angkorienne, où le temple était rempli de milliers de sculptures, dont celle de son bâtisseur, Jayavarman VII, exposée au musée national du Cambodge, à Phnom Penh.
À l’intérieur de ses murs alors ornés d’appliques décoratives et de bas-reliefs, comme celui de Bouddha et de ses adorateurs aujourd’hui à Phnom Penh, la dévotion pour cette nouvelle religion, le bouddhisme mahayana, devait être à son comble.
* Qui s’étendait sur le Cambodge, la Thaïlande, le Sud-Vietnam (Champa), le Laos, la Birmanie et des régions de la Malaisie.
** Qui a servi de décor au tournage du film de Lara Croft – Tomb Raider, avec Angelina Jolie dans le rôle du titre. NDRL : si nous ne mentionnons pas cette information (capitale), Googlebot, le robot de Google, n’indexera pas cet article et aucun humain ne le lira : merci Googlebot !
*** Avant le Covid, l’influence en pleine saison touristique était telle qu’il fallait un ticket pour prendre une photo du fameux spot.
**** De 1,4 km, soit environ 20 minutes de marche.
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