Fêtes de l’Arraial do Pavulagem : un syncrétisme pour célébrer les saints de juin et la résurrection d’un bœuf
Danseurs, musiciens, titans et autres animaux fantastiques ont envahi les rues de Belém (capitale de l’État du Pará, nord du Brésil) pour célébrer les traditions de l’Amazonie. Divisés politiquement, les Brésiliens savent se rassembler pour faire la fête et rendre hommage à la diversité de leurs cultures bien ancrées et porteuses de leçons pour le temps présent.
La rue en fête est à eux
Encadrés par les musiciens de l’Instituto do Pavulagem, les nouveaux instrumentistes, guidés par les plus expérimentés, s’imprègnent du rythme du groupe et intègrent le répertoire des musiques de la région. Les danseurs se sont également préparés pour cette journée entière de défilé pour laquelle il faut prendre des forces. « Deux semaines d’entraînement et deux semaines d’atelier », précise l’un d’eux sur échasses.
Fier comme un bœuf
Cette parade géante qui mélange danse, musique et effigies de personnages humains, d’animaux réels ou fantastiques est un syncrétisme célébrant les saints de juin en même temps que la vie, la mort et la résurrection d’un bœuf (boi en portugais). Son nom même, Arraial (énorme tente où avaient lieu les fêtes de juin dans les zones rurales) do Pavulagem (nom du bumba-meu-boi à Belém) reflète cette double identité.
Introduites par les Portugais pendant la période coloniale, les festas Juninas ou festas de São João sont célébrées pendant le mois de juin au Brésil, principalement la veille de saint Antoine (Santo Antonio, patron des fiancés), de saint Jean-Baptiste (São João) et de saint Pierre (São Pedro) – le 12 juin, veille de saint Antoine, correspond au dia dos namorados (« jour des amoureux »), la Saint-Valentin des Brésiliens. Divers aspects de ces fêtes sont issus des célébrations européennes de la Saint-Jean, comme la création d’un grand feu de joie.
Nées au XVIIIe siècle, époque où l’élevage était extrêmement important pour l’économie locale, les fêtes du bœuf (bumba-meu-boi) sont basées sur un conte impliquant un couple d’esclaves et un propriétaire terrien. Originaires du Nordeste, elles se sont répandues dans le bassin amazonien brésilien – le bumba-meu-boi de l’État du Maranhão a été inscrit en 2019 par l’Unesco sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Au cours de leur diffusion, elles se sont enrichies de nouveaux noms (le bumba-meu-boi devient boi-bumbá ou pavulagem à Belém et dans le Pará), personnages et rythmes.
Tout le monde est invité à la fête
À l’image de la diversité des personnages et des symboles présents dans cette parade colorée, cette fête familiale à laquelle semble participer toute la ville intègre différentes classes d’âge, y compris les enfants.
Qu’ils défilent avec et pour certains sur leurs parents ou bien en petits groupes encadrés par des adultes vigilants, leurs déguisements miniatures, confectionnés sur mesure en reprenant les couleurs et les thèmes du Pavulagem, arrêtent le regard.
Traditions ancrées dans le présent
Au milieu du défilé, des pancartes « Justiça por Dom e Bruno » se mélangent aux bannières et aux rubans multicolores. Dom Phillips, un journaliste britannique et Bruno Araujo Pereira, un anthropologue brésilien spécialiste des peuples autochtones, ont été assassinés début juin au cœur de l’Amazonie brésilienne à proximité du Rio Itaquai. Ce drame a ému une grande partie des habitants de la région, notamment les populations autochtones qui ont manifesté pour exiger justice.
À trois mois des élections présidentielles qui auront lieu le 2 et 30 octobre, certains festivaliers affichent plus ou moins discrètement leur préférence : un pin’s pro Bolsonaro au col d’un vêtement, un bandana à son effigie arboré par un jeune participant tranchent avec les couleurs traditionnelles du Pavulagem. À une fenêtre pend un portrait de Lula. En queue de cortège, quelques drapeaux rouges du Parti des travailleurs (Partido dos Trabalhadores, PT) portés par les supporters de l’ancien président précèdent les marchands ambulants qui ferment la marche.
Très fortement polarisés sur les questions politiques à l’approche de cette échéance qui devrait opposer au second tour Jair Bolsonaro (président sortant) à Lula, les Brésiliens savent se rassembler pour faire la fête et célébrer la diversité de leurs cultures : encore une leçon tirée du bumba-meu-boi ? À la fin du conte qui en est à l’origine, le propriétaire terrien organise une grande fête pour les esclaves qui ont ressuscité le bœuf sacrifié par l’un d’eux pour offrir la langue de l’animal à sa femme enceinte qui l’exigeait.
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