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Centre de ressources audiovisuelles Bophana : lieu de mémoire, de formation et de partage sur l’histoire et la culture cambodgiennes

11/12/2023
Laurent Lefèvre

Cofondé par le cinéaste franco-cambodgien Rithy Panh, le centre de ressources audiovisuelles Bophana situé à Phnom Penh poursuit l’œuvre de « passeur de mémoire » de l’auteur de L’Image manquante et de S21, la machine de mort khmère rouge : reconstituer la mémoire collective et individuelle d’un pays que les Khmers rouges ont voulu effacer, afin de la partager et d'en faire une « condition de la subjectivité et de la communauté ».

Situé à Phnom Penh dans le quartier animé de Toul Kork, le centre de ressources audiovisuelles Bophana organise régulièrement des expositions, des conférences et des projections de films en lien avec la mission qu’il s’est fixée : « contribuer au devoir de mémoire associé à la dictature khmère rouge en recueillant des archives sur le Cambodge ». Gratuits et ouverts à tous, ces événements s’adressent prioritairement aux Cambodgiens, notamment aux plus jeunes – en 2014, les 15-29 ans représentaient 30 % de la population, la plus jeune d’Asie du Sud-Est.

Inauguré le 4 décembre 2006, ce lieu chaleureux dédié à la mémoire permet à tous les visiteurs de consulter les films de sa collection, riche, entre autres documents, de plus de trois cents heures d’archives rares restaurées. Il constitue une étape incontournable pour ceux qui souhaitent découvrir l’histoire et la culture du Cambodge, notamment avant ou après la visite du mémorial de Choeung Ek et de S-21, le musée du Génocide de Tuol Sleng.

Une mémoire collective et individuelle effacée à reconstruire

Lieu de conservation et de partage du patrimoine audiovisuel du pays des temples, Bophana a été cofondé par le cinéaste franco-cambodgien Rithy Panh. Exilé en France, ce dernier est retourné au pays au début des années 1990 pour y réaliser ses premiers documentaires, dont Les Gens de la rizière, présentés en 1994 en sélection officielle du Festival de Cannes, une première pour un film cambodgien.

Né le 18 avril 1964 à Phnom Penh, Rithy Panh est séparé de sa famille et envoyé dans un camp de travail après la prise de la capitale cambodgienne par les Khmers rouges, le funeste 17 avril 1975. Dans L’Élimination, qui raconte, à hauteur d’enfant, sa quête de survie sous le régime khmer rouge, il note : 

« À compter de ce jour, moi, Rithy Panh, 13 ans, je n'ai plus d'histoire, plus de famille, plus d'émotions, plus de pensée, plus d'inconscient. Il y avait un nom ? Il y avait un individu ? Il n'y a plus rien. [Ce jour] devient mon matricule, ma date de naissance. »

« Témoin infatigable de la tragédie de son pays, “passeur de mémoire”, selon ses propres termes, Rithy Panh, s’efforce de combler le vide de tout un peuple sur son douloureux passé », souligne Solomon Kane, auteur du Dictionnaire des Khmers rouges.

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Maîtriser les techniques cinématographiques pour témoigner

L’une des missions de Bophana consiste également à former les jeunes cambodgiens aux métiers de l’audiovisuel et aux nouveaux médias. « Le passé nous renseigne sur ce qui peut arriver demain, atteste Rithy Panh. Les images sont là pour nous faire réfléchir ‒ nous nourrir, c’est notre force pour avancer. La formation permet de les analyser et de maîtriser la technique, la création ensuite nous permet de prendre la parole, d’exprimer notre regard, notre sensibilité. »

Parmi les productions de Bophana, le projet Actes de mémoire interroge des personnes qui ont vécu la période khmère rouge. Dans leur cadre de vie actuel, ces dernières confient leur histoire et les souffrances qu’elles ont endurées. Disponibles en ligne en version originale, plus de cent documentaires ont été réalisés.

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Projection privée

En partie accessibles en ligne, les documents de sa collection peuvent être visionnés sur place, où la jeune équipe du centre vous accueille sans rendez-vous au premier étage du centre, qui occupe une belle « maison blanche » de style Le Corbusier. Après s’être déchaussé, il est possible de regarder sur un écran d’ordinateur tous les films de son fonds documentaire, dont ses propres productions et les œuvres de Rithy Panh – certains sont disponibles avec des sous-titres en anglais et/ou en français.

Sous le regard bienveillant de Bouddha, dont la statue trône au milieu de l’autel de cette salle blanche lumineuse, la mémoire, cette « faculté d’interrogation, d’interprétation », peut accomplir sereinement son « travail de refiguration du passé »*. En ces lieux, elle est bien, comme le souligne Paul Ricoeur, « une condition de la subjectivité, mais aussi une condition de la communauté »*.

Paul Ricoeur, La Mémoire, l’Histoire, l’Oubli, Seuil, 2000.

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