Festival du lavage de la Madeleine à Paris, une célébration festive aux couleurs du Brésil qui mêle spiritualité, musique et danse
Parée des couleurs du Brésil, Paris a vibré dimanche 15 septembre au rythme du Festival du lavage de la Madeleine. Devant une foule compacte, les participants se sont regroupés en début d’après-midi sur les marches de l’église. Invité d’honneur du Festival, Carlinhos Brown, qui a électrisé la parade sur son char musical, les a rejoints pour assister les Baianas qui ont lavé les marches de la Madeleine en l’honneur des divinités du candomblé.
Partis de République, les premiers cortèges de cette parade colorée et animée sont arrivés à la Madeleine vers 14 h après avoir parcouru les Grands Boulevards. Avant le départ à midi, les participants du défilé se sont retrouvés sur la place pour enfiler leur costume, ajuster leurs instruments ou répéter une chorégraphie.
Avant de se lancer, les Baianas, femmes bahianaises qui paradent en costume traditionnel, ont reçu une bénédiction au cours d’une brève cérémonie dirigée par Pai Pote venu de Santo Amaro (banlieue de Salvador) pour célébrer le rituel du lavage des marches de la Madeleine. « Fervent adepte, selon son compte X (ex-Twitter), des orishas », les divinités du candomblé, Pai Pote joue un rôle de guide spirituel (Pai de Santo en portugais ou Babalorixà, le « père des orishas ») et de prêtre dans la religion candomblé conduisant les rituels d’initiation et les cultes rendus aux orishas.
Les Baianas en tête de cortège
En compagnie de Pai Pote, l’ala des Baianas (section) a ouvert la marche comme chaque année. Outre leur costume traditionnel, les Baianas affichent avec fierté leur turban et leur balai-brosse. Elles arborent des colliers ou des bracelets de perles colorées appelés « guias » ou « fio de contas », dont les femmes adeptes du candomblé se parent lors des cérémonies religieuses. Certaines portent des pots remplis d’eau de fleurs et de parfums, dont elles vont se servir pour laver les marches de la Madeleine.
« C’est ma première participation à ce festival costumée en Baianas, mais j’ai toujours trouvé très belle cette procession, qui est une tradition brésilienne, la cérémonie du lavage de Bonfim à Salvador de Bahia. C’est important de faire vivre et perdurer ces traditions ici, même si l’on est expatrié, afin de les transmettre à nos enfants. Mon fils, aujourd’hui un jeune homme, qui a assisté au défilé, était ravi de les découvrir », témoigne Silvia, une Franco-Brésilienne originaire de Salvador, où elle a vécu jusqu’à ses 20 ans et assisté au lavage de Bonfim.
Pour ce défilé dans les rues de Paris, elle porte son propre costume qu’elle a préparé « comme les anciens faisaient pour que les jupes, traditionnellement blanches, soient dodues » et des bijoux personnels, un collier bleu et blanc aux couleurs des Filhos de Gandhy, un des plus importants blocos du Carnaval de Salvador.
Des ambassadrices de la culture de Salvador de Bahia
Ces femmes ont associé ce grand lavage aux eaux de l’orisha Oxalá, incorporant à leur labeur des invocations à cette divinité de la vie et de la pureté, des danses… Selon Juliana Correia, cela n’a pas plu à l’archevêque de Bahia qui leur a interdit, en 1889, l’entrée de son église, soit très peu de temps après l’abolition de l’esclavage, la Lei Áurea (loi d’or) signée le 13 mai 1888 par la princesse Isabel.
Habillées de leur tenue traditionnelle, elles sont revenues avec leur balai et de l’eau parfumée pour laver les marches de l’escalier extérieur de l’église, qui leur était fermée. Bien que mal connus du grand public, ces épisodes historiques ont imprégné le rituel du Lavagem do Bonfim, qui a lieu à Bahia tous les ans le deuxième jeudi du mois de janvier, comme celui du Festival du lavage des marches de la Madeleine.
« Un échantillon du Brésil pluriel »
Près de six cents musiciens de différents styles, dont ceux des batucadas provenant de toute l’Europe, ont fait danser les participants et les foliões, les spectateurs qui suivent le défilé. Ces formations musicales au répertoire varié sont souvent accompagnées d’un groupe de danseurs, à l’instar des Tambours du maracatu venus de Rennes qui puisent leurs inspirations dans le maracatu, une tradition musicale afro-brésilienne originaire du Pernambouc (région du Nordeste).
Invité d’honneur pour la deuxième fois, le compositeur et musicien Carlinhos Brown a défilé sur un trio elétrico aux côtés de Robertinho Chaves, directeur artistique du festival. Juchés sur ce char musical roulant au pas à l’arrière du cortège, ils ont électrisé la foule compacte qui les a suivis. Galvanisée par leur énergie, elle a repris en chœur chaque air interprété à tour de rôle, dont Non, je ne regrette rien, d’Édith Piaf chanté en français par Robertinho Chaves.
« Un mouvement de résistance qui réclame la paix et la liberté contre l’intolérance religieuse, le racisme et les préjugés. C'est une affirmation : un échantillon du Brésil pluriel et de ses nombreuses facettes qui se manifestent de manière vibrante dans la capitale française renforçant ainsi la relation franco-brésilienne, l'amour entre les deux pays : c’est la France et le Brésil qui s'embrassent ! »
Le Brésil s’invite à la Madeleine
Aux alentours de 13 h 40, le premier cortège – composé de foliões, de musiciens et de danseuses sur échasses du Cabaret Gandaia – arrive devant l’entrée principale de la Madeleine qui donne sur la rue Royale. Il longe ensuite les hautes colonnes corinthiennes de l’édifice pour atteindre l’accès latéral desservi par la rue Tronchet, où va se dérouler la cérémonie dirigée par Pai Pote.
Ce premier groupe est progressivement rejoint par les autres danseurs, capoeiristes et musiciens qui prennent place sur les marches de l’église, dont les membres de la batucada Badauê qui continuent de jouer tout en s’y installant. Quand le char musical de Carlinhos Brown et Robertinho Chaves arrive vers 14 h 15, la foule déjà dense des foliões s’agglutine devant le trio elétrico, qui s’est arrêté en face de la Madeleine.
Dans une ambiance singulière mêlant recueillement spirituel, engagement pacifiste et allégresse populaire, les invocations lancées avec ferveur « Agua, agua ! [eau] » pour conjurer les terribles incendies qui touchent le Brésil (Brasilia, l’Amazonie…) se joignent aux prières pour la paix. Les chants sacrés tels l’Ave Maria ou l’hymne de Bonfim alternent avec les classiques de la samba comme Vou Festejar, de Beth Carvalho interprété par Carlinhos Brown au milieu de la foule qui reprend en chœur les paroles.
Une cérémonie solennelle, festive et populaire
« Tout ce métissage qui est arrivé au Brésil reviendra sous forme de cohésion dans un monde qui se divise chaque jour : nous en sommes la preuve. Y a-t-il eu l'esclavage ? Oui !
Le métissage répare-t-il l'esclavage ? Non, mais c'est le résultat de toutes les ethnies. Et ce résultat doit se consolider à partir du sacré. »
Suivie par une foule nombreuse, cette cérémonie, empreinte de l’héritage ancestral de Bahia, doit contribuer à diffuser des énergies bienfaisantes et à la purification spirituelle des participants et de l’assistance.
« J’appréhendais d’être éloignée de ma religion. Venir ici a été une vraie surprise : j’ai reçu la bénédiction, de l’eau odorante », se réjouit Naomi Silva Quirino, étudiante brésilienne à Paris interrogée par RFI Brésil. Pour cette pratiquante du candomblé, « la religion au Brésil est plus qu’une simple [croyance] : elle exprime une culture, surtout quand on pense aux religions afro-brésiliennes. C’est une façon de montrer que le Brésil ne se résume pas à la samba de Rio de Janeiro, qu’il y a d’autres régions, d’autres croyances et d’autres visages. »
Photos d’Ivani Fusellier-Souza et Laurent Lefèvre.
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