Festival du lavage de la Madeleine à Paris, un défilé populaire au succès grandissant qui célèbre la diversité des musiques et cultures afro-brésiliennes de Salvador

18/09/2024
Laurent Lefèvre

Paris à l'heure du Brésil a vibré dimanche 15 septembre au rythme du Festival du lavage de la Madeleine, le plus grand événement de cultures brésiliennes d’Europe. Animé par les batucadas, ce défilé inspiré par le Lavagem do Bonfim de Salvador de Bahia a traversé les Grands Boulevards jusqu’à la Madeleine. Carlinhos Brown a rejoint les Baianas sur les marches de l’église pour participer à ce rituel accompagné de prières et d’invocations aux orishas, les divinités du candomblé mises à l’honneur dans cette célébration festive mêlant spiritualité, musique et danse.

Au lendemain de la parade sur les Champs-Élysées des athlètes olympiques et paralympiques français sacrés aux JO, Paris, parée des couleurs du Brésil, a fêté dimanche 15 septembre les traditions et les musiques de Salvador de Bahia avec un grand défilé organisé par le Festival du lavage de la Madeleine, l’événement de cultures brésiliennes le plus important d’Europe.

Paradant sous un soleil radieux de République à la Madeleine devant une foule de curieux ébahis, des milliers de participants se sont déhanchés au rythme des blocos de percussão souvent précédés de groupes de danseurs et ont repris en chœur des standards de la musique brésilienne et du chanteur-compositeur bahianais Carlinhos Brown, invité d’honneur cette année de ce festival créé en 2002.


Les 13 blocos, groupes de musiciens et de danseurs pour la plupart costumés, se sont élancés à partir de midi de République après s’être retrouvés sur la place à 10 h 30 pour un échauffement (um aquecimento) afin de se préparer pour ce « défilé pour la Paix » de treize kilomètres jusqu’à l’église de la Madeleine, où se déroule la cérémonie du lavage des marches. « Tous les ans, je suis le Roi ! », confie avec une pointe d’humour Serge, qui enfile son costume sur un banc de « Répu ». Avec sa reine, il s’apprête à défiler avec les danseuses et musiciens du Maracatu Nação Oju Oba basés à Paris.

Les Baianas sont à l’honneur


En tête de cortège, les Baianas en costume traditionnel ouvrent la marche de ce défilé. Inspiré par le lavage historique des marches de l’église du Senhor do Bonfim à Salvador de Bahia, il met chaque année à l’honneur ces femmes arborant avec fierté des turbans, leurs colliers de perles et les balais-brosses, qui serviront à laver les marches de la Madeleine avec de l’eau de fleurs bénie, en récitant des prières et des invocations aux orishas (orixás), les divinités vénérées par les pratiquants du candomblé, religion afro-brésilienne très présente à Salvador.

Parée de la tête aux pieds de couleur or, Oshun, l’orisha des rivières, des cascades et des eaux douces, personnifie la féminité, la sensualité et l’amour maternel. Paradant dimanche 15 septembre sur les Grands Boulevards lors du Festival du lavage de la Madeleine, elles ont subjugué les spectateurs.

Parmi les orishas, Oyá, associée à l’air, aux vents et aux tempêtes, se distingue par sa robe rouge vif et son épée, symbole de sa capacité à contrôler les forces de la nature.

Un défilé d’orishas à Paris

Sur le parcours qui passe par les Grands Boulevards (Saint-Martin, Saint-Denis, Bonne Nouvelle, Poissonnière, Montmartre) pour rejoindre la place de la Madeleine via les boulevards des Italiens et des Capucines, la parade des orishas braque les regards des habitués des cafés parisiens à l’instar de ceux du Marigny et figent les passants. En balade devant le Grand Rex, l’Opéra-Comique ou Garnier, ces derniers se jettent sur leur téléphone comme pour attester la réalité de ce spectacle fascinant.


Parmi ces déesses vénérées par les adeptes du candomblé, Oyá, l’orisha associée à l’air, aux vents et aux tempêtes, se distingue par sa robe rouge vif et sa démarche étrangement chaloupée tenant dans sa main droite une épée (un long poignard en forme de cimeterre), symbole de sa capacité à contrôler les forces de la nature. Déesse de la transformation, de la renaissance et gardienne des morts, elle incarne la vigueur, le courage et l’aptitude à surmonter les obstacles.

Parée de la tête aux pieds de couleur or, Oshun, l’orisha des rivières, des cascades et des eaux douces, personnifie la féminité, la sensualité et l’amour maternel. Paradant dimanche 15 septembre sur les Grands Boulevards lors du Festival du lavage de la Madeleine, elles ont subjugué les spectateurs.

Parée de la tête aux pieds de couleur or, Oshun, l’orisha des rivières, des cascades et des eaux douces, personnifie la féminité, la sensualité et l’amour maternel.
Paradant dimanche 15 septembre sur les Grands Boulevards lors du Festival du lavage de la Madeleine, elles ont subjugué les spectateurs.

De République à la Madeleine, Oshun envoûte les Parisiens et les badauds

Devant Oyá, des orishas incarnant Oshun (Oxum dans le Candomblé brésilien) impriment le rythme – de la tête magnifiée d’un diadème aux pieds rehaussés de chaussures à talon, elles sont presque toutes parées de couleur or. Orisha des rivières, des cascades et des eaux douces, Oshun personnifie la féminité, la sensualité et l’amour maternel.
La plupart tiennent à la main un miroir, symbole de la beauté et de la réflexion. Vénérée pour son rôle de protectrice des femmes enceintes et des jeunes enfants, Oshun est fréquemment invoquée pour apporter prospérité et amour.
Mère de l’humanité qui unit tous les peuples, Iemanjá, l’orisha des mers, parade ce dimanche 15 septembre sur le boulevard Saint-Martin à Paris lors du Festival du lavage de la Madeleine.

Mère de l’humanité qui unit tous les peuples, Iemanjá, l’orisha des mers, parade ce dimanche 15 septembre sur le boulevard Saint-Martin à Paris lors du Festival du lavage de la Madeleine.

Une authentique Iemanjá prend son bain de foule dans les rues de Paris


Juste derrière ce petit groupe, Iemanjá (Yemoja dans la mythologie yoruba), l’orisha des océans, des mers et de la maternité, parade boulevard Saint-Martin devant la batucada Brasis, une école de samba des Hauts-de-Seine.

Symbole d’abondance, cette orisha toute de bleu vêtue et richement parée de bijoux est considérée comme la mère de l’humanité qui unit tous les peuples. Elle est célébrée le 2 février lors d’une cérémonie (a Fiesta de Iemanjá), très populaire à Salvador de Bahia, au cours de laquelle la population dépose des offrandes sur l’eau sous forme de paniers flottants remplis de fleurs et de cadeaux, comme ici à Praia do Rio Vermelho, une plage de Salvador.
« Iemanjá est une divinité africaine révérée dans le panthéon des Yorubas. Bien qu’au Brésil elle prenne le titre et les caractéristiques de reine de la mer, elle est vénérée en Afrique dans la région d’Abeokutá, au Nigeria, où ses cultes se sont d’abord établis dans les eaux douces de la rivière Yemoja », explique à BBC Afrique David Dias, chercheur en sciences religieuses à l’université catholique pontificale de São Paulo a (PUC-SP).

Cette divinité yoruba des rivières est devenue la déesse des mers et des océans au Brésil, souvent représentée par une femme à la peau blanche, à l’image de sa statue à Santa Vitória do Palmar (État du Rio Grande do Sul, sud du Brésil).

Venus en nombre de Paris et de Vienne en Autriche, les percussionnistes de la batucada Batala, présente dans une quinzaine de pays à travers le monde, défilent dimanche 15 septembre dans les rues de Paris à l’occasion du Festival du lavage de la Madeleine.

Venus en nombre de Paris et de Vienne en Autriche, les percussionnistes de la batucada Batala, présente dans une quinzaine de pays à travers le monde, défilent dimanche 15 septembre dans les rues de Paris à l’occasion du Festival du lavage de la Madeleine.

Les pulsations de Bahia rythment le défilé


Les différentes formations de danseurs et de musiciens regroupées au sein d’une ala (section d’une procession) paradent d’un pas alerte le long des Grands Boulevards au son des surdos, de puissants tambours qui marquent le rythme de base. Cœurs palpitants des batucadas qui animent et entraînent les défilés, ils imposent leur tempo, un souffle grave et profond qui résonne comme un écho ancestral surgi des entrailles de la Terre.


Composés d’une palette de percussions brésiliennes (cuíca, reco-reco, repinique…), les différentes batucadas impulsent des rythmes inspirés du candomblé, de la samba-reggae et des riches traditions musicales du Nordeste brésilien nourries par son héritage africain.

Originaires de différentes régions de France et même d’Autriche, les batucadas ont impulsé la cadence des cortèges qui ont défilé dimanche 15 septembre dans les rues de Paris à l’occasion du Festival du lavage de la Madeleine.

Originaires de différentes régions de France et même d’Autriche, les batucadas ont impulsé la cadence des cortèges qui ont défilé dimanche 15 septembre dans les rues de Paris à l’occasion du Festival du lavage de la Madeleine.

Des batucadas venues de toute l’Europe

Héritiers d’une longue tradition africaine transmise par les esclaves, les musiciens des batucadas portent des costumes chamarrés ou affichent leurs couleurs, à l’instar des Parisiens de Badauê ou des jeunes de Batuc’Ados, de Colombes (92).
Originaires de différentes régions de France (Bretagne, Île-de-France…), de Bruxelles (Maracatu Batuque das Águas) et même d’Autriche, ces batucadas explorent un riche répertoire musical nourri d’influences afro-brésiliennes que l’on retrouve dans la région du Nordeste – États d’Alagoas, de Ceará, de Maranhão, de Paraíba, de Piauí, du Pernambouc, de Rio Grande do Norte, de Sergipe et de Bahia.

Dirigés par le maestro Giba Gonçalves, les instrumentistes de Batala venus de Paris et de Vienne en Autriche forment un ensemble impressionnant.

Arborant une tenue typique des écoles de samba du carnaval de Rio, cette danseuse de samba défile dimanche 15 septembre dans les rues de Paris à l’occasion du Festival du lavage de la Madeleine.

Arborant une tenue typique des écoles de samba du carnaval de Rio, cette danseuse de samba défile dimanche 15 septembre dans les rues de Paris à l’occasion du Festival du lavage de la Madeleine.

Un défilé éclectique

Ouverte à tous et gratuite, cette procession géante, qui a rassemblé entre 10 000 à 12 000 personnes dans les rues de Paris, est aussi l’occasion pour les Brésilien(ne)s de France et les Franco-Brésilien(ne)s venu(e)s en nombre de renouer avec leurs racines, de se retrouver entre amis ou en famille et de rencontrer des connaissances.
À l’image de cette sambiste carioca qui défile dans une tenue typique des écoles de samba du carnaval de Rio, chacun peut afficher ses couleurs et partager sa culture. C’est un peu comme si les blocos du Carnaval de Rio s’invitaient sans prévenir au Lavagem do Bonfim de Salvador ou à son carnaval !
Comme le chanteur Zaca Zuli qui traverse le défilé sur son skate-board, des artistes peu médiatisés participent à ce Festival du lavage de la Madeleine et peuvent s’y produire devant un large public.
« Unie dans la diversité » (In varietate concordia), la devise de l’Union européenne pourrait résumer l’état d’esprit de cette grande fête désormais parisienne qui est devenue la plus importante manifestation de cultures brésiliennes en Europe.
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Photos d’Ivani Fuselier et Laurent Lefèvre.

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