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Concert parisien des Hermanos Gutiérrez à Pleyel : une promesse de voyage tenue

02/04/2024
Laurent Lefèvre

Présentant en avant-première des titres de leur prochain album-voyage Sonido Cósmico, le concert des Hermanos Gutiérrez a embarqué les spectateurs de Pleyel, qui a fait salle comble, dans une véritable odyssée musicale : du désert au cosmos !

Pourquoi la musique fait-elle voyager ? Pour vivre cette expérience, embarquons avec les Hermanos Gutiérrez pour leur concert parisien, qui présente en avant-première des titres de leur prochain album-voyage Sonido Cósmico (« son cosmique »), dont la sortie est annoncée le 14 juin. Direction la Salle Pleyel pour cet événement affiché complet, qui a lieu ce mercredi 3 avril.
Après une première partie assurée par un DJ aux influences latino, nous attendons, bien installés aux premiers rangs du carré d’or de la prestigieuse salle du 8e arrondissement, le décollage musical imminent programmé pour 21 heures.
Présentant en avant-première des titres de leur prochain album-voyage Sonido Cósmico, le concert des Hermanos Gutiérrez a embarqué les spectateurs de Pleyel dans une véritable odyssée musicale : du désert au cosmos !

« Un voyage intérieur vers des lieux inexplorés »

Aux commandes : Alejandro [à dr.], l’aîné, virtuose de la guitare électrique et lap steel (petite six-cordes métallique jouée à plat sur les genoux) et Estevan Gutiérrez [à g.], qui excelle à la guitare électrique et aux percussions – bongos, maracas…
À 21 heures précises, ils débarquent sur la scène dépouillée, éclairée par une lumière bleutée et s’installent sur une estrade nue où les attendent deux amplis, deux chaises rouge bordeaux et leurs instruments. Nous allons voyager léger, un atout précieux pour pouvoir s’évader.
A l’écoute des premiers morceaux éthérés du duo, le corps est resté arrimé à sa place confortablement calé dans ce fauteuil gris anthracite (n° 13, rang AH) , mais la tête s’évade vers les lagunas d’Équateur ou survole le désert d’Atacama qui se joue des frontières chiliennes, péruviennes et argentines. La musique est bien ce « voyage intérieur vers des lieux inexplorés » décrit par Berlioz : elle crée « une rêverie qui se développe en nous » [1].

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Promesses de grands espaces

Le flow de notes et d’émotions qui circulent entre les deux frères est fluide, limpide. Même si l’un imprime le rythme alors que l’autre imagine les mélodies, il n’y a pas de leader ni de suiveur, mais un dialogue permanent sans paroles. Le chemin se découvre au fil des univers culturels – notamment cinématographiques – et géographiques qu’ils explorent.
À plusieurs occasions comme après les rappels à la fin du concert avec le morceau Pueblo Man, de l’album El Bueno Y El Malo et El Desierto, de Hijos Del Sol, ils nous ramènent dans « leur lieu préféré », le désert, un espace dans lequel il n’y a pas une voie tracée et où l’absence de repères accessibles au techno-citadin 2.0 incite à l’introspection.
« Certaines musiques ressemblent à de grands bâtiments déchiquetés. [La leur] évoque la promesse de vastes espaces : il y a quelque chose de magnifiquement naturel là-dedans », souligne Dan Auerbach, le producteur d’El Bueno y El Malo, sorti en octobre 2022.
Les Hermanos Gutiérrez lors de leur concert à la Salle Pleyel mercredi 3 avril : Alejandro [à dr.], l’aîné, virtuose de la guitare électrique et lap steel (petite six-cordes métallique jouée à plat sur les genoux) et Estevan Gutiérrez [à g.], qui excelle à la guitare électrique et aux percussions.
Lyriques sans avoir besoin de mots, les compositions des Hermanos Gutiérrez sont à l’image de leur évidente complicité : intuitive, profonde et fraternelle !

Expériences humaines

Avec leurs arrangements sans paroles, les Hermanos Gutiérrez, frères de sang et de sons, dilatent l’espace et le temps. « Notre intention a toujours été de laisser la guitare chanter les mélodies pour créer un sentiment qui touche le cœur et l’âme », explique Estevan.
Profondes et lyriques sans avoir besoin de mots, leurs compositions sont à l’image de leur évidente complicité davantage guidée par les intuitions que par la planification.


« La musique nous montre que l’on a beaucoup de choses en commun, des souvenirs culturels, d’enfance : on ressent une connexion et une grande proximité », confie Alejandro à la Radio télévision suisse (RTS). « En général, un des deux a une idée puis on attend de se rencontrer pour la partager, en se disant qu’il manque encore quelque chose, poursuit Estevan. Alors l’autre écoute, commence à jouer une mélodie et presque toujours, c’est ce que le premier cherchait. »


Basées sur des instructions et des référentiels, les sonorités produites par l’intelligence artificielle (IA) comme Suno AI ou Lyria ont donc peu de chance de mouvoir et d’émouvoir les amateurs de leur musique live instinctive créée sur le motif et nourrie par les échanges et les souvenirs partagés. Malgré les craintes exprimées par 200 artistes – dont Pearl Jam, Stevie Wonder, Elvis Costello – ou les ayants droit de Sinatra qui s’inquiètent que l’IA puisse « enfreindre et dévaloriser les droits des artistes humains », ces sonorités programmées devraient rester cantonnées aux ascenseurs, aux salles d’attente et au fond musical des standards téléphoniques,

Blood Milk Moon, par les Hermanos Gutiérrez.

Un laissez-passer pour des territoires inconnus

À l’écoute des compositions des Gutiérrez qui s’enchaînent, la musique – langue des émotions, du cœur, « des anges » selon Victor Hugo – a tout d’un passeport pour voyageur immobile, un laissez-passer dépourvu de dates de délivrance et d’expiration. Sans octroi de visas, elle lui permet d’explorer ses paysages intimes et les vastes plaines de l’imagination. Elle s’affranchit des frontières et évite les passages en douane court-circuitant les nécessités du temps échu et les modalités de la géographie démarcative qui assigne à résidence. « Nothing to declare » pour divaguer ad libitum loin de Paris, au son de ces explorateurs de la six-cordes.
D’autres avaient ouvert la voie comme l’une de leurs influences revendiquées, la slide guitare de Ry Cooder, le compositeur de la BO de Paris-Texas, le film préféré d’Alejandro qu’il cite pendant le concert.

Sonido Cósmico, par les Hermanos Gutiérrez  le titre éponyme de l’album, dont la sortie est annoncée le 14 juin.

Un vagabondage et une curiosité à partager


Vers 21 h 30, les Hermanos Gutiérrez nous réservent une surprise, très attendue par leurs fans : ils interprètent, « pour la première fois », Sonido Cósmico, le titre éponyme de l’album produit de nouveau par Dan Auerbach et enregistré dans les studios de son label Easy Eye Sound, à Nashville, Tennessee.

« Quand on joue ensemble avec Alejandro, c’est comme si nous conduisions une voiture, comme dans un road trip, confie Estevan. Parfois, nous traversons le désert. Parfois, nous longeons la côte, mais nous sommes toujours entourés par la nature et témoins de paysages magnifiques, de somptueux couchers de soleil. »

Installés dans le désert où ils sont comme chez eux, les deux frères ont décidé de regarder vers le ciel pour nous offrir un road trip qui décolle !
« La confection de ce nouvel album nous a donné l’impression de découvrir un territoire inconnu, qui s’étend du désert au cosmos », expliquent-ils. Pour transporter leur public vers des espaces déconfinés, les musiciens ont dû eux-mêmes voyager : c’est une curiosité, un goût de l’exploration, une envie d’errance qu’ils partagent et que chacun s’approprie selon ses sensibilités et son imaginaire.
Les Hermanos Gutiérrez au moment du salut à la fin de leur concert à la Salle Pleyel mercredi 3 avril : Alejandro [à dr.], l’aîné, virtuose de la guitare électrique et lap steel (petite six-cordes métallique jouée à plat sur les genoux) et Estevan Gutiérrez [à g.], qui excelle à la guitare électrique et aux percussions.
Les Hermanos Gutiérrez au moment du salut à la fin de leur concert à la Salle Pleyel mercredi 3 avril : Alejandro [à dr.], l’aîné, virtuose de la guitare électrique et lap steel (petite six-cordes métallique jouée à plat sur les genoux) et Estevan Gutiérrez [à g.], qui excelle à la guitare électrique et aux percussions.

« Il faut avoir une musique en soi pour faire danser le monde »

« En embrassant l’ouverture musicale, nous nous sommes plu à être aventureux, curieux et à nous intéresser à des croyances différentes », précisent les deux frères. Nés d’une mère équatorienne et d’un père suisse, ils puisent dans leur double identité une insatiable quête de nouveaux horizons et de racines profondes qui nous relient.
À l’instar de leur précédent opus (Hijos del Sol, sorti en 2020) nourri par un voyage dans la Death Valley et leurs questionnements sur la mort, ils cherchent leurs inspirations dans l’essence de la musique, « ce qui ne peut pas être dit et sur quoi il est impossible de rester silencieux », selon les mots de Victor Hugo.
Concentré et attentif, chaque spectateur – partiellement ou complètement dans sa bulle – se laisse guider et embarquer par leur musique calquant ses états d’âme sur les sons étirés de la guitare lap steel et les infimes changements de mélodie. Ici et maintenant, « la musique « offre [bien] aux passions le moyen de jouir d’elles-mêmes » (2).

[1] Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, Presses universitaires de France.
[2] Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir.

Interprétant en avant-première des titres de leur prochain album-voyage Sonido Cósmico, le concert des Hermanos Gutiérrez a embarqué les spectateurs de la salle Pleyel dans une véritable odyssée musicale : du désert au cosmos !  Cette vidéo présente un medley des titres joués mercredi 3 avril.

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